Contribution à la réhabilitation au Maroc de l’espèce forestière Alnus Glutinosa par son étude éco physiologique et la caractérisation moléculaire de son microsymbiote diazotophe Frankia

Abstract

Les régions du Rif centrooccident du Maroc subissent une dégradation environnementale engendrée par des facteurs climatiques et anthropozoogènes , se manifestant par une déforestation importante, une dégradation des écosystèmes et une érosion drastique qui aboutit à la perte de la terre arabe et à l’alluvionnement des retenues de barrages. Parmi les ressources forestières surexploitées, il y a l’espèce autochtone Alnus glutinosa (aune glutineux) qui joue un rôle primordial dans l’organisation de la ripisylve subsistante et la limitation de l’érosion, et qui est prisée localement pour son bois, employé pour le chauffage, et ses feuilles, utilisées comme fourrage. Il s’agit d’une espèce pionnière, fixatrice d’azote en association avec l’actinomycète Frankia, caractérisée par une croissance rapide et des usages multiples. L’espèce offre de nombreux avantages particulièrement utiles dans le contexte écologique et socioéconomique des régions montagnards du Rif. Dans le but d’argumenter par des données scientifiques l’encouragement à la protection de cette espèce et sa valorisation au profit du développement durable de ces régions, nous avons consacré ce travail de recherche à l’étude de l’arbre et son microsymbiote diazotrophe. La nodulation a été constatée chez tous les aunes glutineux testés dans la nature. L’activité nitrogénase in vivo (ARA) des actinorhizes est variable au cours de l’année ; elle est nulle en hiver, apparait en même temps que les feuilles printanières, culmine en été, puis diminue parallèlement à la sénescence automnale des feuilles. La corrélation entre les activités fixatrices d’azote et de carbone de l’arbre, a été confirmée sur des jeunes âgées. Dans la nature, les arbres utilisent également le nitrate, qui s’est révélé toujours présent dans le sol, sans pouvoir inhiber totalement la nodulation. Les modes d’acquisition et de gestion de ces deux sources d’azote caractérisent l’espèce par une richesse exceptionnelle des feuilles en azote, même au moment de leur chute automnale. La litière est ainsi enrichie en azote qui est profitable aux plantes du voisinage. Bien que la métabolisation du nitrate réductase (NR), qui est constitutive dans les feuilles. Dans les racines, l’activité NR est inductible par son substrat, et elle est apparue tributaire du carbone photosynthètique. Ainsi, les racines et les actinorhizes constituent deux puits compétitifs pour le carbone de source foliaire. Mais, ces organes représentent aussi des sources d’azote primordiales pour l’activité photosynthètique. Malgré la complexité des relations source/puits pour l’azote et le carbone, largement analysées dans ce travail, elles correspondent à une gestion performante qui caractérise l’espèce par une croissance rapide. Mais, il existe une variabilité significative du potentiel de croissance entre individus de même âge ; ceci ouvre la voie à une sélection basée sur la vigueur, en partant des semences dont la production au Maroc est apparue abondante et régulière. A un stade préliminaire, la sélection pourrait être basée sur le critère taille des semences, qui s’est révélé étroitement corrélé à la croissance initiale des plants qui en sont issus. Par la suite, l’aisance constatée du bouturage de l’arbre facilitera la production de clones sélectionnés. Cependant, vu l’importance de l’association symbiotique avec Frankia, pour la croissance de l’aune glutineux, toute sélection devrait tenir compte de la performance du couple aune glutineux/Frankia. Les essais de piégeage ont prouvé la présence de Frankia dans le sol des aunaies marocaines. Ainsi, en tenant compte de la variabilité constatée de l’infectivité des sols, l’inoculation par le sol pourrait être pratiquée lors de la production de plants. L’utilisation en tant qu’inoculum de frankia cultivé, exige tout d’abord l’obtention de cultures pures. Malgré les difficultés, bien connues, d’isolement de Frankia, plusieurs souches de Frankia alni marocaines ont été cultivées, puis caractérisées, grâce à l’adaptation à Frankia d’une méthode de discrimination moléculaire récente, basée sur l’électrophorèse par palier des ARN de faible poids moléculaire. En conclusion, dans l’attente de l’exploitation des possibilités potentielles de l’amélioration des performances du couple arbre/microsymbiote diazotrphe, l’aune glutineux offre de nombreuses possibilités d’utilisation qu’il serait tout à fait opportun d’exploiter au Maroc. La pression d’origine anhropozoogène exercée sur l’espèce dans ses stations naturelles du Rif, prouve son utilité pour les populations locales. Aussi, la dilapidation de ce patrimoine naturel, opérée actuellement, devrait être stoppée et la tendance devrait être inversée par l’établissement de plantations d’aune glutineux aux vocations appropriées à chaque région particulière. Parmi les nombreuses utilisations potentielles de l’espèce, largement discutées dans ce travail, la priorité pourra être donnée, dans un premier temps, à celles qui promettent de répondre aux besoins de la région rifaine, en termes de bois de feu, de fourrage et de lutte contre l’érosion. En effet, ces différentes exigences écologiques et socioéconomiques locales peuvent être satisfaites, au moins partiellement, par la mise en œuvre de programmes de plantation de l’aune glutineux selon des systèmes agro-sylvo-pastoraux à chaque situation.