Variabilité et évolution de la qualité des sols urbains et péri-urbains de la ville de Marrakech : approches géochimique, agronomique, toxique et écotoxique

Abstract

Malgré les forts enjeux agronomiques et environnementaux qu’ils représentent, les sols urbains sont encore très mal connus et peu étudiés par les pédologues. Les activités humaines interfèrent avec l’influence de la roche mère ou des substrats naturels via des apports de matériaux techniques aux sols urbains. Ces facteurs anthropiques modifient alors l’évolution pédogénétique, le fonctionnement des sols et leur aptitude à remplir des fonctions comme par exemple celle du support de végétation. L’hétérogénéité spatiale de la couverture pédologique urbaine et péri-urbaine qui en résulte est alors une caractéristique forte que nous avons mise en évidence. La caractérisation géochimique et agronomique des sols urbains et péri-urbains de la ville de Marrakech permet en effet d’affirmer que ces sols sont éminemment hétérogènes. L’évolution des sols urbains est essentiellement conditionnée par le facteur humain qui impose des cinétiques de transformation très rapides par rapport aux processus pédogénétiques naturels. La similitude des caractéristiques géochimiques des sols témoins peu ou pas anthropisés avec celles des sols urbains démontre que ces derniers reflètent toujours l’influence de la composition des matériaux parentaux d’origine. Les sols urbains ne sont en effet pas systématiquement fortement modifiés par l’activité humaine. Dans certains cas, les matériaux techniques sont néanmoins dominants et peuvent jouer le rôle de matériaux parentaux des sols pour aboutir à des Technosols. Les sols urbains étudiés présentent également une fertilité physique et chimique légèrement plus élevée que celle des sols témoins. Les activités humaines sont en effet orientées vers des pratiques visant à améliorer leur aptitude à être le support d’une végétation, en particulier les activités agricole et maraichère urbaines et suburbaines pour la production alimentaire. Dans le ces des sols fortement anthropisés, les apports de matériaux techniques et de déchets entrainent indirectement des apports simultanés en éléments nutritifs (matières organiques, N, P). Nous avons montré que les sols urbains de Marrakech sont caractérisés par des teneurs totales en métaux modérée, à l’exception des sols très fortement anthropisés. Les teneurs totales observées, quantifiant le danger lié à la contamination métallique, sont supérieures à celles mesurées dans les sols témoins. Elles sont classées selon un ordre décroissant Pb>Zn>Cu>Cr>Ni>Co. L’application du biotest microbiologique de toxicité MetPLATE montre que les sols urbains et péri-urbain de Marrakech ne sont pas toxiques, à l’exception des sols très fortement anthropisés. Plus de 22% des sols présentent une toxicité élevée (50 – 82% d’inhibition). Les faibles concentrations en métaux extractibles à l’eau majoritairement mesurées expliquent et valident la faible toxicité indiquée par le biotest MetPLATE. En complément de la contamination métallique des sols urbains, la présence de polluants organiques est mise en évidence par le biotest Micotox qui indique que 70% des sols urbains ont une toxicité globale très élevée induisant plus de 50% d’inhibition de l’activité luminescente de Vibrio fisheri. L’activité minière constitue la source majeure de contamination des sols par les éléments en traces métalliques. Viennent ensuite l’épandage des déchets domestiques et industriels et l’irrigation des sols agricoles par les eaux usées. Ces deux cas de contamination sont suivis par des usages agricoles sans apports systématiques de déchets, par le maraichage et le jardinage individuel. Les usages en zones résidentielles et en terrains de jeux présentent des sols à faibles niveaux de contamination métallique. Ce constat dépend en partie des apports sous forme de remblais avec des matériaux exogènes naturels ou techniques contaminés par des métaux. Les risques liés aux sols urbains dépendent en effet considérablement de la présence de matériaux techniques. Ces éléments techniques ou artefacts introduits dans les sols urbains conditionnent la concentration en métaux mobiles, leur biodisponibilité et leur effet toxique. Nous avons montré que les matériaux techniques ont une influence sur le fonctionnement et l’évolution des sols urbains (fertilité et toxicité). Les connaissances acquises sur les Anthrosols et les Technosols suggèrent alors des perspectives de recherche sur la contribution des matériaux techniques à l’évolution des sols très anthropisés. Si nous avons obtenu une description instantanée du statut des métaux au sein des différentes fractions des sols urbains, ce statut peut en effet évoluer au cours du temps, sous l’influence de conditions climatiques contrastées ou de pratiques humaines particulières. Le modèle conceptuel proposé sur la dynamique des métaux dans les écosystèmes urbains permet de réaliser une synthèse des connaissances fondamentales acquises. Ce modèle se distingue des schémas habituellement préposés par la prise en compte des fractions grossières naturelles et technique des sols. La validation du modèle conceptuel de prédiction de la dynamique de métaux a été obtenue pour 69% des sols anthropisés de Marrakech. Le niveau de fertilité des sols urbains et périurbains permet en grande majorité de les considérer comme des supports potentiels de végétaux ornementaux ou à vocation alimentaire. Cependant, leur niveau de contamination, essentiellement en éléments en traces métalliques, limite leur possibilité d’exploitation et multiplie les risques de dissémination de polluants, en particulier vers l’homme. Des représentations cartographiques thématiques de la couverture pédologique urbaine sont alors proposées pour faciliter et orienter une gestion durable de la ressource sol.