Diversité pomologique et chimique du grenadier cultivé au Maroc et effet du déficit hydrique sur la qualité du fruit

Abstract

Contexte : Le grenadier (Punica granatum L.) est un arbre de la famille des Lythraceae, cultivé depuis l'antiquité pour ses fruits comestibles. Il présente une grande diversité génétique au niveau du Maroc, principalement dans les agroécosystèmes traditionnels. Toutefois, les potentialités nutritionnelles, technologiques et d’adaptation de cette diversité restent encore à étudier en vue de sa valorisation efficiente et compétitive. A cet effet, les objectifs de la présente étude ont consisté en l’évaluation d’une part d’une collection ex-situ de 19 génotypes dont 11 locaux, au regard de descripteurs pomologiques et biochimiques au cours des années 2017 et 2018; puis d’autre part, en un suivi de ces paramètres chez certains génotypes en fonction de l'âge des arbres et du niveau de stress hydrique (70%ETc et 50%ETc) chez Sefri et Wonderful; ainsi qu'un suivi hebdomadaire de la croissance du fruit et des pousses de l’année chez les deux variétés de grenadier, qui a été réalisé dans l’objectif de situer les périodes moins-critiques pour l’expérimentation de l’irrigation déficitaire régulée. Les résultats obtenus ont montré une grande variabilité au sein des accessions, pour la majorité des traits observés révélant un niveau élevé de diversité phénotypique au sein du pool génétique étudié. L'analyse en composantes principales (ACP) a identifié trois groupes principaux, distinguant la typicité de certains genotypes locaux par rapport aux variétés importées, notamment 'Sefri', 'Bzou', 'Chioukhi' et 'Djeibi'. L’effet de stress hydrique sur la qualité du fruit de grenade a varié en fonction de son intensité et du genotype. Les effets étaient moins importants sur la variété Wonderful, comparativement au type local Sefri. Chez ce dernier, les effets du stress hydrique étaient significatifs même à une intensité modérée de 70% ETc et sont plus prononcé sous un régime hydrique de 50% ETc (stress sévère), marqués essentiellement par des réductions du rendement liée principalement à l’induction de chutes importantes de fruits, des diminutions du calibre du fruit, de la densité du jus et du goût sucré du jus (°Brix). Le seul effet positif du stress hydrique sur la qualité du jus de cette variété était l'augmentation de l'intensité de la coloration rouge du jus. Les résultats de suivi montrent l’existence de deux périodes potentielles pour la variété Sefri (de la nouaison au 18 juin et du 12 septembre à la maturité du fruit). Cependant, pour la variété Wonderful, aucune période potentielle n’a été relevée du fait de la croissance relativement linéaire de son fruit. L’effet de l’age de l’arbre (année de récolte) sur Sefri et Wonderful a été hautement significatif pour la majorité des paramètres physiques, chimiques et biochimiques. Les genotypes récoltés en 2018 ont présenté une qualité physique moindre par rapport aux années 2017 et 2009, particulièrement pour les calibres du fruit, de l’arille et des pepins. Les paramètres biochimiques (capacité antioxydante, flavonoïdes, anthocyanes, protéines, tanins hydrosolubles), ont enregistré des niveaux plus faibles en 2009. Les résultats de l'effet de l'âge de l’arbre sur la qualité du fruit ont montré une influence significative pour la majorité des paramètres pour les deux genotypes qui s’est traduites par une diminution du poids du fruit, de la douceur de son jus (°Brix), des flavonoïdes, des protéines et des tanins hydrosolubles, en l’occurrence sur des arbres âgés de plus de 22 ans pour le cas de Sefri et à l’age de 36 ans pour la variété Wonderful. Le climat ainsi que l'âge de l’arbre (année de récolte) jouent un rôle direct mais aussi indirect en influençant de nombreuses autres caractéristiques du fruit. L’effet de l’année de 19 genotypes a été très hautement significatif pour la totalité des attributs physico-chimiques du fruit. Globalement, les résultats ont montré que les fruits récoltés en 2017 étaient de meilleure qualité que ceux récoltés en 2009 et 2018. En effet, le poids, le diamètre et la longueur des fruits étaient relativement plus élevés en 2017, dépassant les valeurs enregistrées en 2018 de 22,8%, 13,5% et 4%, respectivement. En outre, le poids et la longueur de l'arille et certaines propriétés chimiques (pH, degrés brix et indice de maturité) ont présenté des valeurs plus élevées en 2017, dépassant celles enregistrées en 2018 de 3%, 7% et 3%, 14% et 80%, respectivement. L'analyse en composantes principales (ACP) basée sur les moyennes de tous les paramètres mesurés a montré une forte variabilité selon le génotype et l'année de récolte. Cependant, un niveau de variance plus faible a été estimé entre les fruits récoltés en 2009 et 2017, en raison probablement de la similarité du climat entre ces deux années. L'analyse multivariée a révélé un niveau élevé de diversité au sein de la collection étudiée, distinguant six principaux groupes de genotypes. Le génotype local ‘Khikho’ a été classé dans un groupe distinct avec un profil typique. Les paramètres qui ont le plus d'impact sur la discrimination entre les genotypes étaient le calibre du fruit, l'épaisseur de l'écorce, le rendement en arilles, le rendement en jus, l'acidité et la teneur en sucre. Les résultats de ce travail sont d'un grand intérêt pour le développement de la filière de grenadier au Maroc, qui prévoit certains potentiels qualitatifs des genotypes locaux et leur stabilité en fonction de l'année de récolte et du stress hydrique, par rapport à certaines variétés étrangères.