Fluctuations climatiques du passé récent au Maroc : Apport de la dédrochronologie du cèdre de l'Atlas

Abstract

Au Maroc, l’Oscillation Nord Atlantique (ONA) exerce une grande influence sur les précipitations hivernales marocaines qui lui sont négativement corrélées. La sécheresse dans les régions montagneuses est souvent ignorée. Les canicules qui sont connues par le Maroc dans les années quatre-vingt nous rappellent que ces régions ne sont pas épargnées par des déficits en eau importants, notamment pendant la saison estivale. Le présent travail vise à étudier les corrélations entre les variations climatiques et la croissance du Cedrus atlantica M. Dans ce cadre, la méthode de la dendrochronologie a été utilisée. Elle s’appuie sur l'analyse des cernes de croissance des arbres permettant l’obtention d’informations essentielles pour la gestion des écosystèmes naturels, parfois inaccessibles par les autres moyens d’investigation. Elle offre également la possibilité de dater les événements climatiques dans les régions où les données historiques du climat sont rares ou manquantes telles que le Maroc. Lors de cette étude, quatre sites forestiers des montagnes de l’Atlas (Taoalt, Ain Kahla, Bikrit et Col du Zad) ont fait l’objet d’une analyse dendroclimatologique. L’analyse des relations entre la croissance radiale des arbres et le climat au site de Taoalt, a mis en évidence une action favorable des précipitations des mois de Septembre, Novembre, Décembre et Février et un impact négatif des températures des mois de Juillet et Octobre sur la largeur des cernes. À Ain Khala, les épaisseurs des cernes régressent à partir de la seconde moitié du 20ème siècle témoignant une sécheresse sévère et longue résultante de l’impact des Oscillations Nord Atlantiques aggravé par les activités humaines croissantes. Une action défavorable et très significative des températures de Juin et Décembre et une influence positive des précipitations de Mars sur la croissance des cèdres sont reconnues. L’indice climatique calculé et dont les valeurs plus élevées indiquent des conditions climatiques plus sévères et plus défavorables à la croissance des cernes, a montré que le site de Bikrit est le plus affecté climatiquement par rapport aux deux autres sites. Les résultats obtenus ont révélé que le caractère climatique des trois sites précités en relation avec les altitudes différentes, les expositions, l’éloignement de l’Océan Atlantique ont engendré des chronologies de cèdres différentes. La construction d’un modèle dendroclimatique dans le site de Col du Zad abritant les arbres les plus âgés à l’aide d’une fonction de réponse a permis de déceler la relation la plus forte entre la croissance des arbres et la température moyenne allant de Juin à Septembre et de tester la réaction du cèdre à l’augmentation des fréquences d’années climatiquement extrêmes. Des signes de l’ONA dans la variation pluriannuelle de la croissance des cernes ont été détectés dans les cèdres des quatre sites étudiés. Une baisse progressive commune de la croissance du cèdre dans les sites étudiés, notée depuis les années 1970, trouve ainsi son origine dans la persistance de l’ONA surtout sa phase positive.