Évaluation de l’imprégnation en éléments traces métalliques : Plomb, Mercure, Cadmium et Bismuth, chez les enfants de la région de Fès-Boulemane et enquête environnementale des facteurs d’exposition associés.

Abstract

Les métaux lourds sont des polluants largement dispersés dans l’environnement et ont, en concentration excessive, un fort impact toxicologique sur l’être humain. Ils n’ont aucun rôle physiologique et sont néfastes pour tous les compartiments de l’environnement. La présente étude est de type descriptive prospective de type exposé / non exposé, réalisée sur150 enfants âgés de 6 mois à 12 ans. Elle a pour objectif d’estimer la prévalence de l’intoxication en Pb, Hg, Cd et Bi chez les enfants considérés comme une population exposée (PE / N : 90) ; vivant dans la zone industrielle d’Ain Nokbi- Fès, et les comparer avec les taux d’une population de contrôle censée être une population non exposée (PNE / N : 60), appartenant à la région de Fès-Boulemane. Pour chaque patient, un consentement écrit est obtenu auprès des parents, un questionnaire est rempli et un échantillon de sang est prélevé. Les analyses sanguines sont effectuées par la technique de l’ICP-MS au niveau du CHU d’Angers. Une prise en charge a été destinée aux intoxiqués, elle comportait un suivi clinique et biologique, des plombémies de contrôle, des séances de sensibilisation et une prescription médicale. En parallèle à cette étude, une enquête environnementale a été effectuée dans la région exposée. Elle a pour objectif l’évaluation des teneurs en métaux (Pb, Hg, Cd et Bi) au niveau des eaux de boisson, de l’air, du sol, des légumes consommés, des produits cosmétiques (Khôl), et des ustensiles de cuisine. Parmi les métaux étudiés, seul le plomb qui dépasse le seuil d’intoxication (100 µg/L) au niveau de la PE avec une prévalence de 21 % et une moyenne de 71 ± 40 µg/L, valeur statistiquement plus élevée (p <0,0001) que celle qui a été enregistrée au niveau de la PNE (38 ± 13 μg/L). Concernant les autres métaux étudiés, aucun d’entre eux n’a dépassé le seuil de l’intoxication. Les examens cliniques et biologiques des intoxiqués en plomb (19 cas) ont montré des perturbations comme l'anémie, l'hypocalcémie et les carences en fer et en magnésium. Les plombémies des intoxiqués ont enregistré une diminution significative allant de 136,75 ± 32,59 µg/L à 104,58 ± 32.73 μg/L (p <0,0001) avec une prévalence du saturnisme qui est devenue de 7,8 % au lieu de 21,1 % (p <0,001). L’enquête environnementale a montré des teneurs très élevées en plomb au niveau du Khôl, des tagines et des légumes. Ces concentrations peuvent être des facteurs importants qui contribuent à l’élévation de la plombémie chez les enfants intoxiqués. Notre étude a montré une forte prévalence du saturnisme (21,1 %) au niveau de la PE. Cette intoxication peut être d’origine industrielle associée à d’autres facteurs environnementaux. La prise en charge des intoxiqués et les mesures correctives et préventives associées au déménagement du site industriel ont contribué à réduire la prévalence du saturnisme dans la population étudiée. Cela justifie la nécessité de prolonger cette étude par un programme de dépistage de masse dans cette région et autour des sources industrielles de plomb afin de mettre en place des mesures correctives et préventives. Cette région a besoin de plus d'études pour aborder les mesures d'atténuation et d'assainissement rationnelles afin de diminuer l'exposition à des niveaux sécuritaires. Enfin, des études de suivi devraient être encouragées pour acquérir une meilleure connaissance scientifique de l'exposition aux métaux et l'effet des mesures d'atténuation et d'assainissement dans les sites contaminés.