Profil Epidémiologique et Toxicologique de l’Usage des Substances Psychoactives et des Comportements Suicidaires chez les Adolescents Marocains

Abstract

Les comportements à risque, qui font généralement surface pendant l’adolescence, ont d’importantes répercussions sur la vie, la santé psychologique et physique des adolescents. Limités sont les travaux portant sur l’épidémiologie et les déterminants des comportements à risque chez les adolescents marocains. L’objectif de la présente thèse était de déterminer la prévalence de l’usage des substances psychoactives (SPAs) et des comportements suicidaires, ainsi que leurs facteurs de risque chez les élèves des établissements publics de la région Centre Nord du Maroc. Une enquête transversale auprès des collégiens et lycéens de Fès-Boulemane et Taza-Taounate-El Hoceima a été réalisée entre Avril 2012 et Novembre 2013 via un questionnaire anonyme auto- administré. Le Mini international Interview neuropsychiatrique a été utilisé dans sa version arabe dialectal marocain pour évaluer les comportements suicidaires selon les critères du DSM–IV. Des prélèvements d’urine ont été pris afin de réaliser des tests immuno-chromatographiques qualitatifs de dépistage de 9 substances addictives. Les facteurs de risque associés aux comportements à risque étudiés étaient identifiés par régression logistique binaire. Au total, 3020 élèves âgés de 11 à 23 ans (moyenne d’âge16 ± 2,1 ans) dont 47% étaient de sexe féminin ont participé à cette enquête. La prévalence de l’expérimentation (usage sur la vie entière) de tous les produits psychoactifs confondus était de 9,35% (IC-95%: 8.35% - 10.47%), alors que les taux de prévalence de l’usage récent (au cours des 12 derniers mois) et de l’usage actuel (au cours des 30 derniers jours) étaient de 7,48 et 6,28% respectivement. L’analyse toxicologique des 265 échantillons d’urine a révélé la présence du cannabis dans 9,1% de prélèvements, benzodiazépines dans 3%, metamphétamine dans 1,5%, tricycliques antidépresseurs dans 1,1%. Aucune preuve analytique de cocaïne, amphétamine, barbituriques, morphine, et ecstasy n’a été trouvée. Le calcul de coefficient de kappa de Cohen a montré que la concordance entre les données déclarées et les résultats des tests urinaires concernant l’usage de toutes SPAs confondues était bonne (κ = 0,73). L’ensemble des qualités métrologiques du questionnaire utilisé lors de cette enquête (sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et négative, indice de Youden) ont indiqué que le questionnaire auto-administré était performant et valide.

En ce qui concerne les comportements suicidaires, 15,72% d’élèves enquêtés ont déclaré avoir déjà eu des idées suicidaires, alors que 6,31% ont déjà établi des plans de suicide au cours du mois précédent. Quant aux tentatives de suicide, 6,50% et 10,50% d’élèves ont déjà tenté de se suicider pendant les 30 derniers jours, et au cours de la vie, respectivement. L’analyse multivariée par régression logistique binaire a confirmé le lien fort entre l’usage des SPAs et les comportements suicidaires et a montré que le tabagisme était associé plus aux idéations suicidaires, alors que l’usage des SPAs montrait plus une association aux tentatives de suicide. Pour les facteurs de risque sociodémographiques, les comportements à risque étudiés ne suivaient pas le même modèle épidémiologique. Ainsi l’usage de SPAs était associé au sexe masculin et la poursuite des études au lycée, pendant que les comportements suicidaires étaient associés au sexe féminin et la poursuite des études au collège. Les autres facteurs sociodémographiques qui ont montré une association statistique significative étaient la fréquentation d’amis fumeurs, la résidence dans le milieu urbain, l’appartenance à une famille composée de membres fumeurs, ou parents divorcés, ou ayant un revenu économique faible, et enfin la sensation d’insécurité et d’instabilité psychologique au sein de la famille.