contamination des eaux chaudes sanitaires par legionella pneumophila dans les établissements hôteliers du maroc : caractérisation physicochimique, moléculaire et pouvoir adhésif

Abstract

La colonisation de divers réseaux et circuits d’eau par des bactéries pathogènes est reconnue comme source récurrente de problèmes à la fois industriels et sociétaux. Parmi ces pathogènes on trouve L. pneumophila, l’agent bactérien responsable de 80% des cas de la légionellose, il colonise non seulement les environnements naturels mais aussi artificiels à savoir les réseaux d’eau chaude sanitaire (REC) et les tours aéroréfrigérantes. Le développement et la survie de cette bactérie dans ces divers environnements sont essentiellement liés à deux facteurs : la présence d’amibes nécessaires à sa multiplication et la formation du biofilm. Au Maroc, il n’existe actuellement aucune réglementation en matière de surveillance environnementale et de gestion du risque des légionelles. Par conséquent, la majorité des systèmes d'eaux chaudes sanitaires sont exploités sans aucune connaissance du risque de légionelles ni des interventions ciblées de gestion du risque. Au niveau clinique, l’absence de diagnostic clinique explique le manque de données épidémiologiques au niveau du Royaume. Dans ce contexte, l’objectif de notre travail est de déterminer les éléments d’analyse du risque lié à L. pneumophila dans les établissements hôteliers au Maroc. Notre étude sur le terrain s’est intéressée à la collecte des informations propres à l'étude par le biais des enquêtes d’investigation et des questionnaires au niveau des hôtels dans les principales villes touristiques du Maroc à savoir Agadir, Dakhla, Fès, Layoune, Marrakech, Ouarzazate, Rabat et Tanger. Ensuite la réalisation des prélèvements d’eaux au sein des sites de prolifération possible des légionelles comme les eaux chaudes sanitaires des chambres, les jacuzzis, les spas, les robinets et les fontaines décorative, etc. Au niveau du laboratoire, notre travail s’est focalisé sur l’analyse des échantillons, l’étude de la prévalence de L. pneumophila dans les établissements hôteliers et la détermination des facteurs de risque associés à la contamination des eaux chaudes sanitaires par cette bactérie. Les souches isolées ont fait par la suite, l’objet des études scientifiques relatives à l’identification et la caractérisation physicochimique et moléculaire, ainsi que l’évaluation de leur profil d’antibiorésistance. D’autre part, la capacité d’adhésion et de formation du biofilm sur les matériaux de la plomberie et la réponse des souches isolées au traitement ont été investiguées. L’étude de la prévalence et les facteurs de risque soupçonnés d’être lié à la présence de L. pneumophila dans les réseaux d’eau chaudes sanitaires a révélé la présence de cette bactérie dans 77 échantillons parmi 149 prélevés et analysés, avec un pourcentage de 51,7% positifs. Parmi les 118 établissements visités, 56,8% d’entre eux sont contaminés par Legionella. Le sérogroupe le plus prévalent est L. pneumophila sérogroupe 2-15, isolé dans 70% des échantillons positifs. Toutefois, 84,4% des échantillons positifs comptaient plus de 1000 UFC/L et le nombre le plus élevé est de 7,5×104 UFC/L. La température de circulation d’eau chaude sanitaire, l’âge de la plomberie et la taille du bâtiment sont associés au niveau de contamination et la proportion d’échantillons positifs. L’étude de la résistance aux antibiotiques a montré une sensibilité des souches environnementales isolées de Legionella aux différents antibiotiques, couramment prescrit pour le traitement de la légionellose. La Rifampicine est l’antibiotique le plus actif contre les souches isolées et aucune résistance n’a été détecté. Un typage moléculaire a été réalisé pour 20 souches de L. pneumophila sg1 par les techniques d’anticorps monoclonaux (Mabs), l’électrophorèse en champs pulsé (PFGE) et le séquençage du génome (NGS). Le typage par les Mabs a montré une prévalence de Mab 3/1 (n=100%), avec 8 "Camperdown", 7 "Oxford" et 7 "OLDA". La PFGE a détecté 3 différents clones répartis dans plusieurs villes du royaume. La NGS a révélé 3 "sequence type" (ST) avec une fréquence élevée de ST1 (13 souches, 65%), suivi par ST560 (4 souches, 20%) et un nouveau ST identifié pour la première fois auquel le Groupe Européen d’Etude sur les Infections à Legionella (ESGLI) a attribué le numéro ST2897. L’étude du pouvoir adhésif et la capacité de formation de biofilm a montré l’adhésion et la formation du biofilm par L. pneumophila aux différents matériaux couramment utilisés pour la distribution des eaux chaudes sanitaires au Maroc, y compris l’acier galvanisé, l’acier inoxydable, le chlorure de vinyle (PVC), le polypropylène (PPR) et le polyéthylène réticulé (PEX-c). Les résultats de la caractérisation physicochimique montrent que la surface des matériaux de plomberie testés présente un caractère hydrophobe, avec une hydrophobicité bien marquée pour l’acier galvanisé et le PPR. 13 souches de L. pneumophila ont un caractère hydrophile, tandis que 27 souches présentent un caractère hydrophobe. L. pneumophila adhère à la majorité des matériaux testés à l’exception du cuivre. L’acier galvanisé est le matériau le plus colonisé par L. pneumophila. L’adhésion de cette bactérie aux matériaux de la plomberie est gouvernée par la rugosité de la surface des matériaux et le caractère donneur/accepteur d’électrons de la surface bactérienne et du substrat. La capacité de formation du biofilm est bien exprimée à 37°C, moyenne à 45°C et faible à 20°C. Le sérogroupe 2-15 présente une capacité de formation du biofilm élevée par rapport à L. pneumophila sg1. Une fois formés, les biofilms sont difficiles à éradiquer malgré des cycles de traitement. L’étude de l’effet du chlore a montré que les bactéries à l’état planctonique sont capables de résister aux concentrations du chlore résiduel recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (0,2–0,5%). La résistance du biofilm à l’hyperchloration à des concentrations allant jusqu’à 200mg/L est encore plus élevée et démontre que la réglementation en vigueur (50mg/L) n’est pas appropriée pour éliminer cette bactérie des systèmes d'eau. L’utilisation de l’eau de mer contenant le chlorure de sodium (NaCl), comme une approche proposée alternative saine et moins couteuse pour éliminer Legionella notamment pour les hôtels des villes côtières, a révélé que cette bactérie que ça soit à l’état libre ou en biofilms est capable de survive et a continué sa croissance après traitement à des concentrations en NaCl dépassant celles contenues dans l’eau de mer. Ce qui prouve la résistance offerte par la formation du biofilm contre les fortes concentrations en chlore ou en NaCl.